Violence, homicides, agressions : effets secondaires de 31 médicaments tels que Champix, antidépresseurs, sédatifs / hypnotiques, Ritaline…
Un article paru le 15 décembre 2010 dans la revue en libre accès PLoS One (Public Library of Science) sous le titre « Prescription Drugs Associated with Reports of Violence Towards Others » (Médicaments d’ordonnance signalés pour leurs effets secondaires de violence envers autrui) rend compte d’une étude rétrospective des signalements à la pharmacovigilance des Etats-Unis (FDA : Food and Drug Administration) entre 2004 et 2009.
31 médicaments ont été mis en cause pour 1527 actes de violence : crimes, idéation meurtrière, violences sur les personnes, abus sexuel et autres actes de violence commis sur d’autres personnes.
Le médicament le plus incriminé pour de tels effets secondaires est le Champix (tartrate de varénicline), suivi de onze antidépresseurs, six sédatifs / hypnotiques et trois médicaments prescrits dans le TDAH (trouble déficit d’attention avechyperactivité). Voir plus bas pour la liste.
Image tirée du site des Revolting Broadcasters: “Le Champix peut-il tuer?”
Les preuves ont été beaucoup plus faibles pour des effets secondaires de violence induits par des antipsychotiques et absentes pour les antiépileptiques, à l’exception d’un seul médicament de cette classe. Les auteurs mettent une telle différence entre le Champix et les antidépresseurs, d’une part, et les autres médicaments ayant des effets indésirables violents, d’autre part, sur le compte de l’impact des premiers sur des neurotransmetteurs : le circuit dopaminergique pour le Champix et celui sérotoninergique pour les antidépresseurs (quantité, libération, durée de présence dans les synapses, recapture…).
Les auteurs, Thomas J Moore, Joseph Glenmullen et Curt D Furberg (de l’Institute for Safe Medication Practices et plusieurs universités), n’ont aucun conflit d’intérêt et l’étude n’a pas eu de financement industriel.
Champix, champion toutes catégories…
L’effet secondaire qu’est l’idéation suicidaire et les tentatives de suicide a été assez bien étudié, notamment pour les antidépresseurs [et les antiépileptiques – voir article sur Pharmacritique]. Mais pas la violence envers autrui, même si elle a été évoqué dans certains cas et clairement affirmé pour ce qui est du Champix (varénicline), en association avec l’agressivité, les hallucinations, les troubles psychotiques, etc., comme on peut le lire dans le rapport de l’Institute for Safe Medical Practices. Rapport dont j’ai rendu compte sur Pharmacritique dans l’article daté du 25 mai 2008 : « Une étude détaille les effets neurologiques et cardiovasculaire du Champix, médicament d’aide au sevrage tabagique ».
Des réactions de violence grave ont été décrites aussi chez les vétérans de guerre enrôlés dans une étude sur le Champix, ou plutôt servant de cobayes, avec des résultats désastreux (voir cet article sur Pharmacritique) ; des réactions psychiatriques et neuropsychiatriques graves ont été signalés aussi par Santé Canada (agence de sécurité sanitaire, équivalent de notre AFSSAPS ; voir cet article et quelques autres de la catégorie « Tabac, sevrage tabagique, Champix) ».
Voici la liste des médicaments les plus incriminés dans l’article de PLoS One, avec le nombre de cas de violence envers autrui (toutes formes confondues) signalés à la FDA.
Pour faciliter la lecture et rendre l’information accessible à tout le monde, j’ai cherché les noms de marque français, lorsqu’ils existent (l’original ne mentionne que les DCI, la dénomination commune internationale, que la plupart des usagers ne connaissent pas)et les indications principales dans lesquels ils sont utilisés.
Le Champix devance les autres de très loin. (D’ailleurs, dans l’article déjà cité, l’Institue for Safe Medical Practices désignait le Champix comme étant le médicament ayant faitl’objet de la plupart de notifications d’effets secondaires).
Champix (tartrate de varénicline), sevrage tabagique ; 408 cas
Prozac (Fluoxétine), antidépresseur ISRS (inhibiteur sélectif de la recapture de la sérotonine) ; 72 cas
Déroxat / Séroxat / Paxil (paroxétine), antidépresseur ISRS ; 177 cas
Amphétamines, 31 cas
Lariam (Méfloquine), antimalaria, prophylaxie du paludisme ; 10 cas
Strattera (Atomoxétine, de la classe des amphétamines), TDAH : hyperactivité ; 50 cas
Halcion (Triazolam, classe des benzodiazépines), somnifère ; 7 cas
Luvox, Floxyfral (Fluvoxamine), antidépresseur, trouble obsessionnel-compulsif) ; 5 cas
Effexor (Venlafaxine), antidépresseur ISRSN (inhibiteur sélectif de la recapture de la sérotonine et de la noradrénaline ); 85 cas,
Pristiq (Desvenlafaxine), antidépresseur ISRSN ; 8 cas
Singulair (Montélukast), traitement additif de l’asthme ; 53 cas
Zoloft (Sertraline), antidépresseur ISRS, 64 cas
Stilnox (zolpidem), somnifère ; 48 cas
Seroplex / Siprolex / Lexapro (Escitalopram oxalate), antidépresseur ISRS, trouble panique ; 31 cas
Xyrem (Sodium oxybate, dérivé du GHB), traitement de la narcolepsie ; 6 cas
Seropram (Citalopram), antidépresseur ISRS ; 34 cas
Abilify (Aripiprazole), neuroleptique antipsychotique atypique ; 23 cas
Oxycontin (Oxycodone), opioïde, douleurs intenses, en particulier cancéreuses ; 46 cas
Zyban (Bupropion), antidépresseur ISRSN et dopaminergique utilisé comme aide au sevrage tabagique ; 35 cas
Géodon, Zeldox (Ziprasidone), antipsychotyque atypique, en schizophrénie ; 19 cas
Ritaline (Méthylphénidate, de la classe des amphétamines), TDAH : hyperactivité ; 27 cas
Norset, Remeron (Mirtazapine), antidépresseur tétracyclique (à effet noradrénergique prédominant); 15 cas
Neurontin (Gabapentine), antiépileptique, traitement des douleurs neuropathiques ; 35 cas
Keppra (Lévétiracétam), antiépileptique, aussi en algologie ; 21 cas
Valium (Diazépam), benzodiazépine anxiolytique (tranquilisant), parfois anticonvulsivant ; 11 cas
Xanax (Alprazolam), benzodiazépine anxiolytique, anxiété ; 15 cas
Cymbalta (Duloxétine), antidépresseur ISRSN, dépression, douleurs neuropathiques ; 45 cas
Rivotril (Clonazépam), benzodiazépine : sédatif, hypnotique, anxiolytique et antiépileptique ; 10 cas
Interféron alpha, cytokine, traitement de certains cancers et maladies chroniques (selon les formes) ; 54 cas
Risperdal (Rispéridone), neuroleptique dit “antipsychotique atypique”, en schizophrénie ; 29 cas
Seroquel (Quétiapine), neuroleptique dit “antipsychotique atypique”, en schizophrénie ; 53 cas
Antiépileptiques et antidépresseurs problématiques, mais largement utilisés aussi en algologie, discipline décrédibilisée par la fraude de Scott Reuben
Pour d’autres effets secondaires de certains médicaments mentionnés ou non dans cette étude, reportez-vous à la liste de catégories à gauche des pages de Pharmacritique. J’aimerais rappeler ici l’avertissement récent de la FDA, inséré dans les RCP (résumé des caractéristiques du produit) portant sur le risque de suicide des médicaments antiépileptiques, dont j’ai rendu compte dans un article en date du 2 février 2008.
Il y a de quoi frémir quand on se rappelle que les antiépileptiques – mais aussi les antidépresseurs – sont largement utilisés aussi en algologie, sans qu’il y ait eu le moindre débat digne de ce nom lorsque la fraude massive de Scott Reuben a été découverte : au moins 21 des 72 études signées ou co-signées par ce médecin qui mangeait à tous les râteliers pharmaceutiques ont été partiellement ou intégralement falsifiées, afin de « démontrer » l’utilité de certains médicaments dans le traitement des douleurs post-opératoires, mais aussi neuropathiques. Cela a été qualifié de « séisme dans l’algologie », avec la possibilité que cette discipline ait été en grande partie faussée par cette fraude et les études et pratiques qui se sont basées là-dessus. Et pourtant, rien n’a changé.
Voir l’article sur Pharmacritique, daté du 13 mars 2009 : « Séisme en algologie et anesthésie : fraude scientifique majeure de Scott Reuben, financé surtout par Pfizer, concernant l’efficacité antalgique de Lyrica, Célébrex, Effexor… »
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Il faut rappeler aussi l’autre avertissement de la FDA sur les certains effets secondaires des somnifères, tels que comportements compulsifs, incontrôlables, en plus des autres effets indésirables. Donald Light s’étonnait de ne pas voir ce type d’avertissement dans les notices européennes des médicaments, ni discutés dans les media. Le titre de son intervention peut servir de conclusion :
« Médicaments dangereux : les Européens tenus dans l’ignorance ».
Elena Pasca
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